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samedi 17 décembre 2022

L'étendue de notre ignorance est incommensurable, mais le goût de l'étude est notre salut

 

Je me souviens que, quand je suis arrivé à la revue Pour la science, je savais déjà des choses assez fondamentales (par exemple, je n'avais pas de difficulté à discuter la question de "dérivées non entières", je connaissais l'existence du wronskien, les théorèmes de Stokes ou Ostrogradsky, les règles de sélection, etc.)... mais l'étendue de mes ignorances était considérable.

Par exemple, la géométrie ayant largement disparu de mes cours de mathématiques (puisque c'était l'époque des mathématiques modernes), mes lacunes en matière de construction à la règle au compas étaient complètes ; je ne connaissais pas les verres de spin ; j'avais un très faible connaissance des complexes en chimie, et ainsi de suite.

Malgré la lecture assidue de revues de vulgarisation, malgré des intérêts extrascolaires, je vois rétrospectivement mes connaissances d'étudiant comme une sorte de spectre de raies entre lesquelles il y avait donc du vide.
Et les lectures ont progressivement comblé des lacunes terribles.

Tout cela pour observer qu'il y a des "bases", et des connaissances qui viennent se poser dessus. Mais quelles bases avons-nous intérêt à avoir ?

Certainement :  lire, écrire et compter... mais, plus fondamentalement, il faut avoir le goût de l'étude, qui fera l'essentiel du chemin.
Oui,  pour ne pas mettre la charrue avant les bœufs, les professeurs doivent moins se préoccuper  des matières dont ils ont la responsabilité (je ne dis pas "charge", parce que c'est un privilège) que de transmettre l'envie d'aller chercher ces matières.

Cela se passe par le fait de montrer à nos jeunes amis que l'étude est quelque chose de passionnant et qu'il y a lieu d'être en confiance, de ne pas penser que cela soit difficile.

Autrement dit, quel que soit le domaine, mathématiques, physique, chimie, et cetera, il faut montrer les beautés, d'abord ; montrer combien tout cela est amusant, excitant,combien les outils intellectuels qui ont été forgés par nos prédécesseurs sont puissants.

mercredi 12 mai 2021

Les répertoires de connaissances et de compétences


Les répertoires de connaissances de compétences, ou RCC : de quoi s'agit-il ?
Je conseille très vivement aux étudiants d'entamer, s'ils n'en ont pas, ou de tenir un "répertoire de connaissances et de compétences", ou RCC.

De quoi s'agit-il ? C'est une liste (dans un fichier texte) où l'on répertorie toutes les connaissances et les compétences que l'on a, à mesure que l'on apprend et que l'on apprend à faire. Tout !

Cela a plusieurs intérêts mais notamment celui de s'assurer que l'on sait bien ce que l'on croit savoir, que l'on sait faire ce que l'on croit savoir faire.

Mais il y a d'autres intérêts, comme de ne pas  d'oublier ce que l'on sait, et, surtout, de  mieux le savoir.
Supposons que l'on ait étudié le  potentiel chimique. Si l'on déclare  connaitre le potentiel chimique, alors le fait de se déclarer à soi-même que l'on sait ce qu'est le potentiel chimique permet de mieux le savoir...  à condition d'être honnête avec soi-même bien évidemment.
Même chose pour les compétences. Par exemple, si on déclare que l'on est capable le calculer le pH d'un acide faible, c'est sans doute parce qu'on l'a calculé, et qu'on se sent capable de déclarer qu'on saura le calculer  à l'avenir

Évidemment, ce qui vaut pour soi vaut pour les autres : ayant constitué un tel  RCC, on pourra le présenter utilement à un futur employeur, car si ce dernier a des besoins d'analyse par spectroscopie UV visible, par exemple, alors il verra la présence ou non, dans le RCC, de cette compétence.

Pendant les études elle-même, on aura intérêt de faire évoluer ce RR en le confrontant aux  "référentiel" des études que l'on fait. D'ailleurs, toute nouvelle année universitaire devrait commencer par la création de lignes vides dans ce répertoire, avec l'objectif, au cours de l'année, de les remplir une à une.
Cela a pour conséquence que je réclame de mes collègues enseignants qu'ils fassent des référentiels précis, et non pas des paragraphes bâclé comme on en trouve hélas trop souvent dans les sites universitaires.
Après tout, s'il y a un contrat avec les étudiants, autant qu'il soit clair
 de notre côté, car sinon, comment réclamer de la clarté et de la rigueur du leur ?

vendredi 27 septembre 2019

Les projets : quel intérêt dans les études ?


Dans un autre billet, j'ai évoqué la question des stages, mais pas celle des projets, dont on dit que les étudiants les préfèrent aux cours (c'est à vérifier ; et puis, tous les étudiants ?).

Par exemple, dans une école de chimie, on donne aux étudiants la formule topologique d'un composé et on leur demande de faire tout le travail nécessaire pour arriver à proposer une synthèse industrielle, après avoir rempli un certain nombre de critères, à propos de rendement, de sécurité, etc.

Est-ce un bon système ?

Le mot "bon" est un adjectif, qui, selon nos... bons principes, doit être remplacé par la réponse à la question "Combien ?". Il y aurait lieu de faire une évaluation de la chose... à condition que cela soit possible.

Mais en attendant, j'observe que cette question des projets me fait penser à celle des stages, qui semblaient si appréciés de mes amis plus jeunes avec lesquels j'ai correspondu tout l'été, à propos des études supérieures.
Dans mon analyse, j'observais tout d'abord que les études devaient conduire à obtenir des informations, des connaissances, des notions, des concepts, des méthodes, des valeurs, des expériences, des compétences, des savoir être, des savoir vivre...  Ici, avec les projets, on voit bien des connaissances transformées en compétences, mais on doit aussi observer que cette transformation ne peut s'opérer que si les connaissances ont été données. Il est hors de question de penser, comme cela a été fait, que les connaissances données par la préparation des concours aux écoles d'ingénieurs soient suffisantes, comme indiqué dans un autre billet !

Ce que je crains, c'est le temps considérable capté par un tel projet, au détriment de connaissances théoriques qui doivent emplir la valise intellectuelle de nos amis. C'est la même question qu'avec les stages : oui, ces travaux sont passionnants, et nos amis trouvent souvent grisants de voir qu'ils sont "capables", mais on ne doit pas sacrifier la théorie, que les institutions de formation doivent donner, avant que nos amis ne soient absorbés par la production.

Bref, il faut que ces projets soient parfaitement conçus pour ne pas s'arrêter à des applications, mais qu'ils conduisent nos amis à chercher des connaissances théoriques supplémentaires, et, mieux encore, qu'ils conduisent nos amis à apprendre, en  situation de production, à chercher les connaissances théoriques supplémentaires. Car on n'oublie pas que les institutions de formation  doivent conduire à l'autonomie.

Car, au fond, c'est cela la différence entre les études et la vie professionnelle, notamment : dans un cas, on est tout orienté vers l'obtention de nouvelles connaissances, de nouvelles compétences, de nouveaux savoir-vivre, etc., alors que dans la vie professionnelle, si cette recherche de capacités supplémentaires est importante, elle doit quand même passer après la production.


dimanche 18 août 2019

L'évaluation des compétences

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.
A propos d'évaluation, de jeunes collègues revendiquent de l'innovation, et, notamment, l'évaluation sur des cas concrets. Une bonne proposition ? Pas certain, car avant d'avoir fait le compliqué, il faut manifestement savoir-faire le simple.


Je reste donc dubitatif à propos d'une remarque de jeune collègue qui revendiquent que les évaluations de leur formation soient "innovantes". Dans une formation, il y a des connaissances, des compétences, des savoir-faire, des savoir-vivre, des savoir-être... De quoi s'agit-il ?
Une connaissance est une connaissance. Par exemple savoir l'existence de l'entropie est une connaissance utile pour la physico-chimie. Mais savoir seulement l'existence de l'entropie est une connaissance bien superficielle. On peut avoir plus de connaissance en sachant que l'entropie est égale à une forme différentielle, selon la thermodynamique classique, ou bien qu'elle est proportionnelle au logarithme du nombre de configurations microscopiques, en thermodynamique statistique. Avec ces nouvelles connaissances, on a bien avancé  pour plusieurs raisons, mais notamment parce que l'on n'a pas seulement plaqué un mot, mais  mis une idée, une connaissance, en relation avec d'autres : des potentiels thermodynamique dans un cas, ou  la notion de configuration microscopique dans l'autre.

Une connaissance n'est pas une compétence. Une compétence, en l'occurrence, cela voudrait dire que l'on sait calculer l'entropie dans des cas pratiques, par une formule ou par l'autre. Parfois, cela n'est pas difficile, mais parfois ça l'est  beaucoup, et cela fait toute la différence entre des compétences superficielles et des compétences plus profondes.

Restons-en ici, pour les besoins de l'analyse, aux connaissances et aux compétences, sans évoquer les savoir-vivre, savoir-faire savoir-être qui mériteraient un autre billet. On comprend, sur notre exemple, qu'il peut y avoir une profondeur de l'évaluation, qui va de pair avec la profondeur des connaissances.
Une évaluation devrait commencer par une évaluation simple et aller de plus en plus loin à mesure que l'on demande de plus en plus de connaissances.
Pour les compétences, il en va de même, et cette fois, le chemin d'évaluation suit celui de la complexité des problèmes où une connaissance est mise en œuvre.

Et c'est ainsi qu'il est bien légitime de proposer d'abord des exercices, avant de proposer des problèmes... et avant de proposer des cas pratiques réels, où toute la complexité du monde tombe sur le dos de l'étudiant.

Innover  en matière d'évaluation ? Je veux bien, mais j'ai vraiment besoin des lumières de nos amis pour savoir comment : que proposent-ils pour que l'institution de formation qui délivre des diplômes, c'est-à-dire des certifications de connaissances et de compétences, puisse s'assurer que des connaissances et des compétences sont obtenues ?
Au fond, pour les questions difficiles, je me demande si la charge de la preuve ne revient pas à ceux qui font des propositions très difficiles et, en conséquence, je me retourne vers mes collègues plus jeune : que proposez-vous exactement, concrètement, et comment votre proposition correspond telle aux objectifs initiaux ?

samedi 17 août 2019

Les stages ? D'accord, pas d'accord


Pour la question des stages,  je ne discute pas ici la question de la durée des stages en relation avec l'obligation légale de payer les stagiaires pour des stages de longue durée, ce que j'ai fait dans d'autres billets, et je renvoie à ce propos à des billets précédents.

En revanche, je veux revenir sur les monitions de ministère de l'Éducation nationale, où l'on trouve notamment, en substance, que les stages sont des séquences de formation qui visent à transformer les connaissances en compétences, et à donner une bonne connaissance du monde de l'industrie.
Cette description  a du bon, car elle commence par observer que les stages sont  des séquences de formation. Autrement dit, il doit y avoir des référents universitaires qui sont en relation constante avec l'entreprise où le stage s'effectue.

D'autre part, je suis évidemment en accord avec le principe qui propose de transformer des connaissances en compétences, mais je m'interroge quand même, car les dispositifs de formation ont précisément, dans leurs référentiels, des listes de connaissances et des listes de compétences. Dire que des compétences manquent ne revient-il pas à critiquer les institutions de formation, qui auraient dû donner ces compétences, les évaluer, et, bref, faire leur travail ?  Donc je suis opposé à l'idée du ministère, de ce point de vue.

Enfin il y a la question de la durée des stages. Si l'on considère la question de la découverte de l'entreprise, j'ai l'impression que deux mois suffisent largement pour comprendre le jeu, n'est-ce pas ? Mais, d'autre part, on comprend aussi que les entreprises veulent un peu de production en échange de l'effort qu'ils font d'accueillir les stagiaires,  et des stages un peu plus longs permettent, une fois que les stagiaires sont "débrouillés", que ces derniers contribuent à la production (ce qui n'est pas de la formation !). 
Je dois ajouter que nous venons  d'accepter des étudiants avenue d'Irlande et d'Australie : leurs stages étaient bien mieux cadrés que ceux des étudiants français qui viennent nous rejoindre : notre pays a manifestement des leçons à prendre !

mardi 13 août 2019

La question des évaluations

Note préliminaire : j'ai résolu de considérer les étudiants comme de jeunes collègues, ou, mieux, comme des collègues, mais pour les besoins de clarté, dans ces billets consacrés aux études, j'utilise l'expression "jeunes collègues" pour désigner les étudiants, et professeurs pour désigner les "professeurs", sans distinction de grade.


Je lis sous la plume de jeunes collègues qui discutent leur formation :

On peut aussi imaginer des innovations pour les évaluations (changer le format scolaire de certains partiels en évaluant par le biais d’un oral ou autre) ou pour inventer de nouveaux formats de cours (par exemple, mettre les étudiants dans une situation très concrète de résolution d’un problème complexe, nécessitant les connaissances de différentes domaines).



Là, j'amenderais un peu, car sous la pression des étudiants, les institutions de formation ont élaboré des référentiels, qui sont des listes de connaissances, de compétences,  de savoir-faire, de savoir-être, de savoir-vivre exigibles pour l'obtention d'un diplôme donné. Ça me paraît clair,  carré, simple,  et je vois mal de quelle innovation il s'agirait. Toutefois, me sachant insuffisant, je ne refuse pas de chercher.
Ce que je sais, c'est qu'il y a trop souvent une lutte des classes, entre les étudiants qui ne veulent pas toujours en faire le plus possible et les professeurs ou institutions de formation qui visent l'optimisation des études. Cette de lutte des classes nous fait perdre un temps et une énergie précieux.
D'autre part, je refuse absolument que l'on donne un diplôme à quelqu'un qui ne le mérite pas, car la qualité de ce diplôme est alors dégradée alors pour tous ceux qui l'ont reçu ou qui méritent de l'avoir, mais elle affaiblit aussi l'institution qui le donne. Je sais qu'il y a mille bonnes raisons pour donner le brevet à tous, le baccalauréat à tous, pour accepter tout le monde à l'université...  mais on évitera pas que quelqu'un qui sait, c'est quelqu'un qui a appris, ce qui ne se fait pas en claquant des doigts, mais en y passant du  temps.  Tout le monde peut obtenir un diplôme à condition de travailler, d'y passer du temps, afin d'avoir les connaissances, compétences du référentiel correspondant au diplôme.
Alors, l'évaluation ?  Bien sûr, on peut changer à la marge l'évaluation, faire un oral à la place d'un écrit, ou  vice et versa, mais en réalité on tourne en rond, car la question est toujours de voir  si nos jeunes collègues ont les connaissances requises ou pas, s'ils ont des compétences requises ou pas... Oui, on peut proposer des problèmes complexes, mais ne pose-t-on des exercices plus simples que parce que  je précisément la majorité des jeunes collègues n'arrive pas à faire les problèmes complexes ? Après tout, on n'évalue pas seulement des connaissances en capacité de raisonnement en général, mais des connaissances et des compétences précises, données dans les référentiels.
Bien sûr, on peut supprimer les référentiels, mais alors l'évaluation devient totalement arbitraire. Au fond, il vaut mieux revenir à des objectifs et à des principes. Oui, les jeunes collègues ont passé la sélection qui leur a donné l'accès à une institution de formation, mais il leur faut maintenant étudier pour maîtriser les divers points du référentiel : ils n'ont pas de viatique absolu, valable en tous temps et en tous lieux !  Un système de formation existe pour donner la formation. Et cette formation est décrite par des connaissances, des compétences, des savoirs être, des savoir faire, des  savoirvivre. On aura beau tourner dans tous les sens, on évitera pas d'évaluation qui doit être juste, pour tous, explicite...

Cette discussion me fais immanquablement penser à la revendication des élèves d'une école de chimie à laquelle on m'avait demandé de candidater pour le poste de directeur : la première des choses que les élèves m'avaient demandé concernait leur soirée ! Les bras m'en tombent : organise-t-on une institution de formation en chimie pour dispenser de la formation ou un cabinet d'entremetteurs ? Les soirées ? Les étudiants sont assez grands pour les organiser eux- mêmes. Qu'ils le fassent s'ils veulent. Mais je reste désolé que nous n'ayons pas discuté des points essentiels, tel que le contenu des études  : la chimie quantique, la modélisation moléculaire, la dynamique moléculaire, la chimie supramoléculaire...

Au fond,  si j'accueille aujourd'hui les remarques de jeunes collègues on y consacrant tant de temps, tant d'énergie, c'est que j'ai l'espoir que nous arriverons à des discussions essentielles et non pas superficielles, de contenu et non seulement de forme !

jeudi 30 août 2018

L'enseignement culinaire ?

Je viens de publier, dans un  billet terminologique,  une citation de Jules Gouffé qui explique qu'il ne devrait pas y avoir de terminologie culinaire spécifique et que les mêmes mots devrait apparaître dans le dictionnaire de cuisine et dans le dictionnaire commun. Derrière cette observation, il y a la question de savoir si la cuisine professionnelle doit différer de la cuisine domestique, ce qui justifierait que quiconque veut ouvrir un restaurant doive avoir au minimum un CAP. 

Oui, en quoi un cuisinier professionnel diffère-t-il d'un cuisinier à la maison ?
Il y a d'abord la question commerciale, qui ne se pose pas, dans les foyers. Mais répondre à cette question suppose que la question technique, la question de la production, soit déjà résolue. Les techniques sont simples, même s'il y a encore beaucoup de progrès à faire... parce que les matériels n'ont pas encore assez évolué : on en reste à des casseroles, comme au Moyen-Âge ! Et les siphons ou autres sont d'apparition récente, et quand même pas d'un maniement particulier ; les fours professionnels ne sont guère mieux que les fours domestiques, et les couteaux sont dans les deux types d'endroits.
L'hygiène, avec la fameuse méthode HACCP ? Je ne vois pas pourquoi, dans un restaurant, on ferait diféremment d'à la maison :  si l'on suppose que les professionnels ne doivent pas empoisonner leurs clients, on doit évidemment considérer aussi que, à la maison, on doit servir des mets sains !
Ce qui nous conduit à nous interroger : n'est-il pas étonnant que l'Ecole ne forme pas à ces précautions d'hygiène ? Jadis, il y avait des cours de cuisine, où cela était considéré, mais ces activités on été remplacées par du plus moderne :  de la technologie... car il est exact qu'à la maison, on a besoin de cuisiner, mais  également de changer une ampoule, des plombs, d'enfoncer des vis dans les murs, etc.
Cela dit, au 21e siècle, il y a  Internet : il y a en ligne mille vidéos qui expliquent tout cela sans que l'on encombre les programmes avec ces matières ;  la question du choix des matières enseignées à l'école est entièrement renouvelé.

D'ailleurs, à la réflexion, il semble avoir judicieux, au début des années 2000, quand nous avons introduit dans les écoles les Ateliers expérimentaux du goût (http://www2.agroparistech.fr/Les-Ateliers-experimentaux-du-gout.html), de raccrocher la cuisine aux arts, notamment afin de leur donner un statut qu'elle n'avait pas suffisamment, mais aussi aux sciences, tant il est vrai que la technique a toujours été une mine de phénomènes qui ont permis le développement des sciences. Il n'est pas anodin que la métallurgie, la conception de bougies, où la cuisine aient été nommés naguère des "arts chimiques".

Mes revenons à la question savoir si les techniques culinaires professionnelles ou non, différent de la technique culinaire domestique.
Pour répondre, finalement, il y a sans doute lieu de considérer que la cuisine à trois composantes : sociale, artistique et technique. La technique est simple, à ce jour, mais la question artistique, trop négligée, s'impose absolument : en ces temps d'égalitarisme naïf (je veux dire "bête"), il faut dire énergiquement, sans démagogie,  que n'importe quel peintre de dimanche ne sera jamais Rembrandt, que n'importe quel violoncelliste amateur ne sera pas Paul Tortelier, qu'un sculpteur du dimanche ne sera pas Rodin, qu'un amateur de mots qui ne passe pas dix heures par jour, chaque jour, sur sa page, ne sera jamais Rabelais ou Flaubert. L'art culinaire, comme les autres arts, est le fruit de soins attentifs, d'une longue pratique. Au Conservatoire de musique, par exemple, on distingue bien des "niveaux", en mettant des barres à 4000 heures, par exemple, ou à 8000. Comptons réalistement combien nous en avons fait !

Mais je reviens à notre système national d'études culinaires, et je dois observer qu'il est conçu pour des étudiants bien différents. On doit imaginer qu'il y a, pour les divers groupes, des niveaux différents pour la partie technique, pour la partie artistique, pour la partie sociale. Le CAP correspond à un niveau élémentaire, où il faut  donner les connaissances générales en plus des connaissances techniques élémentaires : on ne doit pas former de la chair à canon, de l'ouvrier à patron, mais contribuer à ce que les élèves obtiennent un  faisceau de connaissances, de compétences et de savoir-être, qui leur confère une certaine adaptabilité, une certaine intelligence. En réalité, le système national ne réussit pas si mal  : toute personne qui s'y forme trouve finalement un travail, le savoir-être communiqué semblant manifestement un atout pour la vie,  et les connaissances techniques ou sociales sont une métaphore utile pour d'autres activités. Il y a manifestement une différence avec la simple technique culinaire domestique !

lundi 27 août 2018

A propos de pédagogie inversée… ou pas




Dans un billet précédent, je parlais de pédagogie inversée, que je citais comme un des exemples du fait que l' « enseignement » a changé. Il faudra discuter les termes de cette phrase, mais, auparavant, j'en reviens au fait : à signaler qu'un ami internaute, à l'expression « pédagogie inversée », commente  « Pas vous ! », en 'assortissant toutefois cette remarque d'éloges. Il y a lieu de lui répondre ici.



Commençons par cette question terminologique que j'ai vaguement esquissée, en utilisant notamment le mot « enseignement », un terme auquel fait écho le mot « pédagogie ». Ce mot-là ne me convient pas quand il s'agit d'études supérieures, parce que la pédagogie concerne les enfants ; or nos étudiants sont souvent majeurs, et ce ne sont plus des enfants. Enseignement ? Le mot ne me convient pas non plus, car il fait l'hypothèse que l'on peut enseigner, et le mot « instruire » qu'il fait également l’hypothèse que l'on peut transmettre quelque chose à quelqu'un. Je crois cela bien impossible, et je crois surtout à la vertu des « études », avec des « étudiants » qui se procurent leur propre savoir ; pour comprendre quelque chose, pour l'apprendre, il ne peut y avoir autrui, qui vous l'apprend ou vous le fait comprendre, mais un travail, un effort personnel, qui, seul, permet l'apprentissage ou la compréhension. Aristophane disait bien que, dans ces relations particulières, le professeur n'est pas en train d'emplir des cruches. Et la question terminologique est terrible, parce que si le mot « étude » me convient bien, je ne sais pas nommer en français le travail d'accompagnement que font les professeurs. Certes, ils professent, ils « parlent devant ». Professorat ? J'ai peur de mettre cet acte-là avant l'étude, ou, plutôt, non, je n'ai pas peur mais je récuse absolument l'idée qu'il y ait un professeur, un maître, un tuteur… avant l'étudiant. Dans le mot « étude », il y a les études en toute première place, et cela me convient. Et c'est ainsi que j'accepte bien volontiers de parler d'études élémentaires, d'études supérieures…



Mais revenons à la « pédagogie inversée » en oubliant cette histoire d'enfants qui figure dans l’étymologie du mot. Il y a des débats didactiques sans fin à propos des rénovations de l' « enseignement » (on devrait dire « des études »), et je sais parfaitement que la terminologie « pédagogie inversée » correspond à un type particulier d'activités qui est peut-être même breveté, comme l'a été il y a quelques années la « culinologie » : il y en a toujours qui cherchent à faire de l'argent. Mais comme je ne vends rien et que je refuse l'appropriation indue de terminologie, je vais continuer ici de parler de « pédagogie inversée » en prenant une acception un peu large qui n'entre pas dans les détails… pédagogiques. En réalité, je me moque de la pédagogie inversée, et mon discours tient tout entier dans cette idée que je mets au centre des études : l'étudiant, son activité de compréhension, d'apprentissage de savoirs, d'acquisitions de compétences, de travaux en vue d'obtenir de nouveaux « savoir-être ».

Avec ce mot « études », pas besoin d'aller très loin dans la didactique jargonnante : il suffit de penser que les étudiants sont au centre du dispositifs et que nous sommes à leur service pour les aider à obtenir connaissances, compétentes, savoir-être… Je rappelle que, naguère, mes « cours » étaient des exercices d'enthousiasme partagé où l'on discutait la question des informations (sans beaucoup d'intérêt puisqu'elles sont en ligne), des notions et concepts (qui sont des joyaux forgés par nos prédécesseurs les plus admirables), les méthodes, qui sont essentielles, les valeurs (qui sont une des principales raison d'être des professeurs) et, enfin, des anecdotes, qui font la vie plus douce, plus souriante. Rien de tout cela ne servait directement à « enseigner », mais ce professorat (au sens littéral de « parler devant ») avait pour principal objectif de donner à nos amis étudiants le goût, l'envie, l'énergie d'étudier.

On voit que mes amis internautes peuvent être rassurés : je ne verse pas dans les vétilles, mais, au contraire, je reste très proche des noyaux durs de cette activité qui revient entièrement aux étudiants : étudier !

samedi 22 avril 2017

Des listes de connaissances et de compétences

Dans notre Groupe de gastronomie moléculaire, nous avons analysé la question des "stages", et la consultation des sources officielles (site des ministères, journal officiel, universités...) a bien montré que les stages sont des périodes de formation pendant lesquelles les étudiants doivent notamment transformer des connaissances en compétences.
Si l'on suit cette définition, alors ce ne sont pas des périodes pendant lesquelles les étudiants doivent obtenir de nouvelles connaissances... mais l'expérience prouve qu'ils en ont quand même besoin. Tout comme ils ont besoin d'apprendre de la méthode, tant il est vrai que les établissements d'études supérieures (on voit que j'ai bannis le mot "enseignement" de mon vocabulaire, pour des raisons expliquées ailleurs) sont très déficients de ce point de vue.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre groupe met à disposition des étudiants des documents intitulés "Comment faire", qui discutent les méthodes efficaces pour être en mesure d'exécuter correctement les divers travaux qui sont confiés aux personnels de recherche (scientifique, technologique ou technique) : dans le désordre, comment peser, comment faire un stage, comment faire une présentation orale, comment déterminer des chiffres significatifs, comment saluer un collègue, comment obtenir des résultats de qualité, comment interpréter des résultats, comment mettre en oeuvre la méthode des sciences de la nature, comment organiser son travail, comment ne rien oublier, comment tenir un cahier de laboratoire au 21e siècle...

Tout cela étant dit, notre Groupe de gastronomie moléculaire propose également à ceux qui le constituent d'envoyer chaque soir un email (structuré) qui récapitule ce qui a été fait dans la journée : je passe sur les détails, mais il s'agit de faire une réflexion structurée, qui permet de prendre du recul.
Dans ce tableau, qui est extrait du cahier de laboratoire, il y a des entrées "connaissances nouvelles" et "compétences nouvelles", pour lesquelles nous faisons une liste commentée.
Puis, le vendredi, chacun d'entre nous prépare une synthèse hebdomadaire, qui est également partagée. Enfin, lorsque les stages s'achèvent, il est proposé aux étudiants de joindre à leur rapport une liste des connaissances et compétences obtenues.
C'est cette liste qui m'intéresse ici.

 {{Une liste de connaissances, une liste de compétences}}

A quoi bon faire une telle liste ? Evidemment, cela permet aux étudiants de montrer à leurs tuteurs, à leurs institutions, qu'il n'ont pas chômé. J'aime assez la position du bon élève qui n'a rien à cacher, au contraire, qui, mieux encore, à tout à gagner à montrer tout ce qu'il a fait : rien n'est mieux qu'être son propre évaluateur, car cela permet d'éviter cette "lutte des classes" que je déteste (parce que je crois qu'elle ne peut pas être la base d'une vie en société harmonieuse).
Cela étant, agir par rapport aux autres n'est pas un objectif suffisant, et j'aime assez l'idée d'agir par rapport à soi. A quoi sert-il de savoir que l'on sait quelque chose ? C'est là le point essentiel : à le savoir mieux !
Si je sais que la force de Stockes est égale à 6 π η v r, alors je sais que je peux mettre en oeuvre cette force, dans des calculs variés, par exemple. Mais, mieux que cela, je peux alors me poser la question : est-ce que je sais vraiment ce qu'est la force de Stockes ? Sais-je assez bien ce qu'elle est, comment on l'a trouvée, quelles sont les limites de l'application de la formule précédente, pourquoi elle a été nommée ainsi, etc ? Bref, faire une liste des connaissances permet de s'interroger sur ces dernières.
Pour les compétences, c'est un peu la même chose, mais en plus important, parce que j'ai le postulat que l'on est ce que l'on fait : savoir, c'est bien, mais c'est un peu stérile ; utiliser le savoir pour de l'action me semble bien mieux. Cette action, d'ailleurs, peut être technique, technologique, scientifique, sociale, politique... A chacun de faire son miel des connaissances pour contribuer à l'avancement du monde, notamment en repoussant le Ragnarok  !
Et puis, viendra bien le moment où les étudiants chercheront du travail, et ils pourront montrer aux employeurs potientiels l'étendue de leurs... compétences.


Plus généralement, ces listes sont une façon d'éviter la mauvaise foi qui nous menace constamment. Au lieu de mettre sous le tapis notre ignorance, la contemplation de ces listes nous montre en creux ce que nous devons encore apprendre, ce que nous devons apprendre à faire.{{ Ce n'est pas de la flagellation, mais un encouragement à poursuivre nos travaux ! }}

mardi 29 décembre 2015

Et si l'on considérait que la vulgarisation s'arrête à la connaissance, et l'enseignement à la compétence ?

Dans un autre billet, je mettais la limite entre vulgarisation scientifique et technologique, d'une part, et enseignement scientifique et technologique, d'autre  part,  à l'utilisation du calcul.
A la vulgarisation, le discours explicatif, de l'extérieur de l'objet, si l'on peut dire ; à l'enseignement le maniement d'équations, de l'intérieur.
Ici, je propose une ligne de démarcation qui semble différente, mais qui ne l'est pas, en réalité : la vulgarisation viserait à transmettre des connaissances, mais l'enseignement veut transmettre des compétences.


La suite sur  http://www.agroparistech.fr/Et-si-l-on-considerait-que-la-vulgarisation-s-arrete-a-la-connaissance-et-l.html

dimanche 28 juillet 2013

Dimanche 28 juillet 2013. Les connaissances et les compétences.




On me connait : je répète que je ne suis pas assuré de mes certitudes. Alors, de mes incertitudes...
En revanche, j'ai la naïveté, le courage (je vois déjà quelques commentaires que je n'afficherai pas ; pardon, mais le ton doit rester mesuré), l'inconscience de discuter d'enseignement. Et pis, je le fais au mépris de la règle qui réclame une saine recherhe bibliographique en préalable aux discussions « scientifiques » (ici, j'écris le mot dans l'acception « savoir général », et pas « sciences quantitatives »). Plus spécifiquement, de la différence entre les connaissances et les compétences.

Il me semble que les compétences sont plus difficiles à obtenir que les connaissances. Ces dernières peuvent se transmettre par des « récits », tandis que les compétences mettent étudiants en situation d'autonomie, souhaitable si l'on veut qu'il devienne secouer le carcan du « Maître ».

Un exemple, l'utilisation de l'expression de l'entropie en fonction du nombre d'états microscopiques (une merveilleuse loi qui s'exprime par S = k ln Ω, où S représente l'entropie, k la constante de Boltzmann, égale à 1,3806488 × 10-23 m2 kg s-2 K-1, ln la fonction logarithme népérien, et Ω le nombre de configurations microscopiques associées à un état macroscopique).
La connaissance, dans ce cas, n'est pas compliquée, puisqu'elle se réduit à une définition que même un âne finira par apprendre par coeur pourvu qu'on lui donne carottes et bâton, mais c'est la compétence que l'on doit viser, à savoir que les étudiants, connaissant bien la loi, doivent finir par avoir le quasi réflexe de chercher à l'appliquer, chaque fois qu'ils sont en présence d'un nombre de configurations microscopiques et qu'ils envisagent les questions d'énergie, dont l'entropie (oui : multipliée par la température et avec un signe moins) est une composante.
Rien de difficile, dans cette affaire, mais il faut de la familiarité, et éviter que les étudiants considèrent que l'apprentissage de ces notions est une « peau d'âne », dont ils doivent se débarrasser le plus vite possible après l'examen. D'ailleurs, ajoutons que ce type de connaissances/compétences sont très « locales », et méritent évidemment être placées dans un cadre explicatif plus général. Pour dire les choses très simplement, la plus simple des « lois de la nature » (pensons à U = R . I si l'on a les compétences scientifiques du lycée) doit être apprise dans les conditions de son application (la loi d'Ohm précédente n'est valable que tant que le courant est limité, sans quoi le conducteur chauffe et fond, de sorte que la loi ne s'applique plus). Bref, il n'est pas interdit de réfléchir, quand on apprend.
Il y a quelques jours, dans notre « étincelle scientifique du matin » (une réunion du Groupe INRA/AgroParisTech comme il y en a tous les matins, et où l'on discute des points scientifiques, des molécules, des livres), nous avons ainsi vu comment calculer la pression de Laplace : en substance, dans une bulle d'air, au sein d'une mousse, il y a une pression d'autant plus grande que la bulle est petite ; et cette pression conduit à la rupture des mousses, les petites bulles, sous forte pression, se vidant au profit des grosses bulles, où la pression est moindre).
La démonstration que les étudiants ont suivie, et qui établissait l'expression mathématique de la pression de Laplace, relevait des connaissances, et l'application au calcul de la hauteur de montée capillaire (qui en résulte), elle, peut en devenir une simple application. Lors de cette application, on s'aperçoit qu'il faut savoir des faits simples, à savoir la variation de pression en fonction de la hauteur dans un liquide, ou le fait qu'à la surface d'un liquide, la pression est égale à la pression atmosphérique. Il y a donc un exercice à proposer pour passer de la force à la hauteur de montée capillaire.
Supposons que, face à ce travail opposé, les étudiants « sèchent ». Que faut-il faire ? Bien sûr, aujourd'hui, ils trouveront en ligne la solution de l'exercice, mais s'ils se contentent de lire cette solution, ils resteront du côté de la connaissance, et ne passeront pas du côté de la compétence. La compétence, c'est donc un travail personnel qui, dans ce cas particulier, consiste à mettre en oeuvre les connaissances.
D'où la question : une compétence est-elle toujours la capacité de mettre en oeuvre des connaissances ?


Note : il y a des cours qui se font par des excercices. On en évidemment conduit à penser que, si ces cours sont bien faits dans le détail, ils seront efficaces, n'est-ce pas ?

Note de la note : à condition que les étudiants n'aillent pas trop vite, ne sautent pas des étapes pourtant bien organisées, dans les cours bien faits.

Note de la note de la note : on n'oublie pas, dans toute cette discussion, que, suivant l'exemple de Michel Eugène Chevreul, je cherche à devenir un jour le doyen des étudiants de France !