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jeudi 4 mai 2023

De retour de Strasbourg où nous avons fêté les 20 ans d'Isis autour de Jean-Marie Lehn

 Isis ? C'est l'Institut des sciences et ingénierie supramoléculaires, ce que l'on peut se représenter comme un bâtiment de cinq étages avec deux moitiés :  à gauche, des laboratoires de recherche scientifique et, à droite, des laboratoires loués à des industriels (en réalité, c'est plus compliqué, donc plus intéressant, mais faisons simple pour commencer). 

Dedans, des chercheurs, des deux côtés, qui se parlent : il y a de la science et de la technologie (ici nommé ingénierie pour les besoins de l'acronyme Isis). Et, surtout, il y a de la chimie "supramoléculaire", cette chimie qui s'intéresse aux assemblages moléculaires tenus par des forces moins fortes que les habituelles liaisons de la chimie organique (les "liaisons covalentes").

 

Créé après un prix Nobel

 

Cet institut a été créé après que Jean-Marie Lehn, chimiste alsacien, a reçu le prix Nobel de chimie pour ses travaux de chimie supramoléculaire et ses études de l'auto-organisation. C'était il y a vingt ans. Et, pendant vingt ans, l'institution a invité et abrité  des scientifiques  de talent, qui ont ensuite essaimé dans le monde. Isis leur a donné (et donne encore)  des moyens pour développer une recherche scientifique, mettre en oeuvre des idées scientifiques, avec la plus grande liberté, et la plus grande énergie. Ce qui est merveilleux, quand on discute avec un collègue qui travaille à Isis, c'est de voir la passion pour la chimie, l'engagement dans la recherche scientifique, la capacité d'échange...

 

Une célébration

 

Et, 3 au 5 mai, nous avons fêté les 20 ans d'Isis : cela fait 20 ans qu'a été créée cette institution tout à fait remarquable, soutenue par le CNRS,  par l'Alsace, par Strasbourg, ville et université, et, aussi, par des sociétés industrielles variées : BASF, Solvay, et cetera.

Pendant ces 3 jours, des chimistes du monde entier ont été invités à venir entourer leur ami Jean-Marie Lehn pour fêter les 20 ans d'Isis. Jean-Marie a bien insisté pour dire que ce n'était pas son anniversaire, mais l'anniversaire d'Isis...  mais nous étions tous bien conscients que, au cœur de l'affaire, il y avait Jean-Marie et  sa passion indéboulonnable pour la chimie.

Ce qui a été merveilleux, c'est que les discours institutionnels ont été réduits au strict minimum. Bien sûr, on n'a pas échappé aux discours des bailleurs de fond, qui ont pris  un engagement renouvelé pour les vingt prochaines années au moins, mais nous étions tous heureux, surtout d'avoir ensuite de merveilleuses histoires de chimie, racontées par des chimistes exceptionnels du monde entier. Ceux-ci avaient été choisis pour discuter les avancées de la chimie, qu'elle fasse un pont avec la médecine et la physiologie, ou qu'elle rejoigne plutôt la physique. Toujours, il y avait des molécules au cœur de l'affaire et c'est bien cela, la chimie.

Jean-Marie Lehn,  dans sa présentation, a une diapositive que je connais par cœur et qui montre la chimie comme un pont entre la physique et la biologie. Oui, il existe un tel pont, mais je préfère penser que la chimie est science à part entière et qu'elle n'est pas seulement un des deux piliers du pont.
D'ailleurs, comme souvent, je prends les diapositives de Jean-Marie comme des manières d'améliorer ce qu'il me dit, car après tout, ni dieu ni maître n'est-ce pas ?

 

 Rafraîchis

 

Ce qui est important, au-delà de ces métaphores, c'est surtout que nos amis qui ont accepté de venir présenter leurs travaux ont ouvert leur cœur à ceux qui les écoutaient.
Pour ma part, j'ai pris d'innombrables notes, non pas  à propos ce qu'ils ont raconté : j'ai plutôt noté des idées que j'ai eues en entendant ce qu'ils présentaient. Je ne pense pas que ces intervenants aient même l'idée de ce que contiennent mes notes, mais je peux témoigner que les notes sont abondantes et, surtout, je peux dire qu'après ces présentations, on sort extraordinairement "rafraîchi".

Oui, rafraîchi, parce que, pendant ces célébrations, rien n'existe plus que la chimie ;  et comme cela est une passion, on imagine le bonheur qui a été le mien.

De retour au laboratoire, il s'agit de passer à la mise en œuvre des notes que j'avais prises. Je ne doute pas que mes amis qui étaient réunis à Strasbourg avec moi, autour de Jean-Marie, ne soient dans le même état d'esprit.
Nous sortons de cette aventure chauffée à blanc, et nous allons maintenant poursuivre le travail.

Je tire aussi comme conclusion de cet événement (une fois de plus) qu'il est merveilleux de se consacrer à l'intrinsèque et non pas à l'extrinsèque. Le contenu plutôt que la communication, le fond plutôt que la forme.
Bien sûr c'est là quelque chose que j'ai déjà discuté dans de nombreux billets, mais la rencontre d'Isis me monte en réalité que l'ensemble des communications était comme un joli bouquet confectionné par les organisateurs : nous leur sommes reconnaissants de cette confection, de ce cadeau qu'ils nous ont offert.  

 

Vive la chimie !

mardi 30 août 2016

A propos de l'administration de la recherche scientifique

Dans le livre Hommes de science (Marian Schmidt, Hermann, 1990), le physico-chimiste français Jean-Marie Lehn (prix Nobel de chimie en 1987) donne son idée du fonctionnement de la recherche :

"On peut déplorer que partout, et pas seulement en France, l'organisation de la recherche soit devenue très lourde, en raison de son coût. Il est malheureusement vrai que cette pesanteur administrative conduit souvent un chercheur à passer son temps à d'autres choses qu'à son travail scientifique : on ne peut pas y échapper. Ce serait de l'utopie, par exemple, de dire : "On peut faire de la chimie actuellement sans s'occuper d'obtenir le financement permettant d'acheter les produits et les appareils dont on a besoin".
L'administration de la science est inévitable, mais elle pourrait être réduite. Une plus grande légèreté de l'organisation et une plus grande initiative rendue aux scientifiques, et non à ceux qui administrent la science, sont nécessaires pour un meilleur fonctionnement de la recherche. Malheureusement, on a souvent l'impression que l'administration de la science est devenue sa propre justification, oubliant en fait qu'elle existe seulement parce que la science existe, et non l'inverse. [...] Il y a aussi  les réunions trop nombreuses de comités, commissions, conseils, etc., où l'on oublie que discourir n'est pas découvrir. Je n'aime pas y aller, et j'ai acquis une assez mauvaise réputation de ce côté ! Cela ne veut pas dire que je sous-estime le rôle de l'administration et de la gestion, mais il faut les alléger au maximum pour permettre au chercheur de passer plus de temps dans son laboratoire ou sa bibliothèque. Par ailleurs, à certains qui se plaignent d'avoir à consacrer trop de temps aux tâches administratives, on pourrait objecter que, souvent, cela ne tient qu'à eux: il pourrait bien s'agir d'un prétexte pour échapper au labeur, à la discipline, aux incertitudes du laboratoire ou de la table de travail".

A méditer, n'est-ce pas ?

lundi 29 août 2016

Une vision de la recherche

Dans le livre Hommes de science (Marian Schmidt, Hermann, 1990), le physico-chimiste français Jean-Marie Lehn (prix Nobel de chimie en 1987) donne son idée de la recherche scientifique :

 "L'important est de poser des concepts et de résoudre des problèmes, et non d'étudier un sujet : la méthode n'est pas la même. Les études approfondies, minutieuses, sont nécessaires, mais il faut essayer d'éviter de se laisser enfermer dans la spécificité d'un sujet. Par ailleurs, quand il s'agit de résoudre un problème, tous les moyens sont bons : il convient donc d'utiliser une approche beaucoup moins stricte, d'autant plus que si certains problèmes n'ont qu'une seule solution, il y en a aussi beaucoup qui peuvent être abordés par des voies différentes. Il s'agit de garder l'esprit extrêmement ouvert. Le plus important est de ne pas se spécialiser dans ce que l'on sait, ou ce que l'on envisage de faire, de n'avoir pas peur d'entrer dans un autre domaine, même - et surtout !- si l'on n'y connaît rien et s'il faut tout réapprendre. [...] La découverte ou l'invention peuvent être le fruit du hasard ou d'un cheminement rigoureux, mais l'esprit y est d'autant mieux préparé qu'il est plus ouvert, plus disposé à aborder la nouveauté et l'inconnu, plus accessible à une nouvelle vision du problème."

dimanche 5 juillet 2015

Pas d'état d'âme? Mais le bonheur, alors ?

Avançons sans états d'âme... quoi  que : ce qui nous gêne, ce ne sont pas les  bonheurs, mais les doutes, les hésitations, les peurs, les craintes... Le bonheur est un état d'âme, mais je propose que nous puissions le montrer, comme une raison d'avancer, d'oeuvrer, de travailler.
La journée extraordinaire (au sens littéral) d'hier est passée, et voici un bilan que je suis heureux de partager avec tous mes amis.
D'abord, avec mon ami Pierre Gagnaire, nous sommes allés au Lycée hôtelier d'Illkirch (Strasbourg), où nous  étions invités par le Recteur (quel honneur), et accueillis par Ginette Kirshmeyer, inspectrice, Christiane Muylaert, proviseure, Frédéric Leichtnamm, chef de travaux, et leurs collègues. Nos amis à qui nous parlions : des enseignants, des personnels de l'Education nationale, des formateurs, des professionnels... Trois heures de démonstration conférence : cela a été filmé, et tout sera en ligne.
Après un agréable déjeuner, arrivé à ISIS, l'institut des sciences et ingénierie supramoléculaire de Strasbourg, ce bâtiment de chimie à la gloire de mon ami Jean Marie Lehn, prix Nobel de chimie. Là, pour les 50 ans du laboratoire, une conférence de deux  jours, avec des orateurs prestigieux : Roal Hofmann (prix Nobel de chimie), Fraser Stoddart (je ne sais pas combien de dizaines de prix scientifiques internationaux), Jean-Pierre Changeux (des prix scientifiques  par dizaines, voire centaines), et ainsi de suite.
Jean-Marie m'avait invité à faire la conférence de fin du premier jour, et mon ami Pierre Gagnaire avait accepté de la faire avec moi. Un double bonheur, donc... et nous avons fait de notre mieux. Là encore, la conférence sera en ligne. Une conférence scientifique, différente de la première, qui était plutôt une discussion autour de la cuisine, alors que la conférence de l'après  midi était une causerie centrée sur la gastronomie moléculaire, même si la cuisine note à note a été évoquée.
Dans les deux cas, mon ami Pierre Gagnaire a été remarquable : nous n'aurons pas souvent un tel génie de la cuisine.
Quant à Jean Marie Lehn, ses mots à mon égard ont été très excessifs... mais quel bonheur, quand une personne que l'on estime au plus haut point semble considérer que vos travaux ne sont pas rien.

Bref, pardonnez-moi cette joie naïve, mais j'invite mes  amis à se réjouir avec moi, parce que c'est de l'énergie pour continuer à oeuvrer, toujours plus efficacement, et pour le bien de tous.
Vive l'Etude, vive la Connaissance produite et partagée ! 

dimanche 27 juillet 2014

L'auto-organisation




En 1987, le prix Nobel de chimie à été attribué au chimiste français Jean Marie Lehn et à deux de ses collègues pour leurs travaux sur la chimie supramoléculaire. De quoi s'agit-t-il ?

Normalement, en chimie, on forme des molécules nouvelles en coupant et en établissant des liaisons dites « covalentes », qui résultent de la mise en commun d'une paire d'électrons, entre deux atomes.
Toutefois, dans les années 1980, les chimistes ont étudié la possibilité de former des assemblages de plusieurs molécules à l'aide de liaisons plus faibles que les liaisons covalentes : des ponts disulfures, des liaisons hydrogène … Ces assemblages ont été nommé supermolécules, et la chimie qui les forme et les étudie a été nommée chimie supramoléculaire.
Il est tout à fait remarquable d'observer que, avant cette chimie supramoléculaire, les bibliothèques étaient pleines de livre sur les « complexes » de diverses sortes. Tout cela a été balayé par la chimie supramoléculaire, qui donné un cadre général à la description de ces divers objets.

Ce qui est le plus merveilleux, c'est que cette chimie permet d'envisager la création d'objets nouveaux, et, notamment, d'objets capables de s'assembler spontanément, de se dissocier et de se réassembler selon les circonstances chimiques. Notamment, Jean-Marie Lehn et ses collègues ont conçu et réalisé des molécules en formes de parts de tartes, avec des bords « collants ». Si l'on met de telles molécules dans une solution, elles diffusent, puis s'assemblent par les bords. Si l'angle au centre de ces molécules n'est pas un sous-multiple de 360°, alors les parts de tarte forment une structure hélicoïdale, identique à la capside de certains virus !
Voilà pourquoi la chimie supramoléculaire me semble si importante, et voilà pourquoi l'étude de chimie mérite que l'on réserve un chapitre particulier à cette chimie des forces faibles, qui conduit à l'étude de l'auto-organisation, un chapitre de la chimie qui se développera considérablement au XXIe.
Militons pour que Jean-Marie Lehn reçoive un deuxième prix Nobel !